
L’assemblée générale est l’organe décisionnel suprême de la copropriété, où se prennent toutes les décisions importantes concernant la gestion et l’entretien de l’immeuble. Pour les copropriétaires, comprendre les règles de vote et les différentes majorités requises est primordial afin de participer activement à la vie de leur copropriété. Ce guide détaillé vous explique tout ce qu’il faut savoir sur le fonctionnement des votes en assemblée générale, les types de majorités et leurs implications concrètes dans la prise de décision collective.
Les fondamentaux du vote en assemblée générale de copropriété
Le vote en assemblée générale de copropriété obéit à des règles précises, définies par la loi du 10 juillet 1965 et le décret du 17 mars 1967. Ces textes encadrent strictement l’organisation et le déroulement des assemblées, ainsi que les modalités de prise de décision.
Chaque copropriétaire dispose d’un nombre de voix proportionnel à ses tantièmes (ou millièmes) de copropriété. Ces tantièmes représentent la quote-part de chaque lot dans les parties communes de l’immeuble. Ainsi, un propriétaire possédant un grand appartement aura généralement plus de voix qu’un propriétaire d’un studio.
Les décisions sont prises selon différentes règles de majorité, en fonction de leur nature et de leur importance. On distingue principalement :
- La majorité simple (article 24)
- La majorité absolue (article 25)
- La double majorité (article 26)
- L’unanimité
Le syndic, en tant qu’organe exécutif de la copropriété, est chargé d’organiser l’assemblée générale et de veiller au respect des règles de vote. Il doit notamment s’assurer que les décisions sont prises selon la majorité requise.
La majorité simple : les décisions courantes de la copropriété
La majorité simple, définie par l’article 24 de la loi de 1965, est la règle de base pour la plupart des décisions courantes de la copropriété. Elle s’applique à toutes les décisions qui ne relèvent pas explicitement d’une autre majorité.
Pour qu’une décision soit adoptée à la majorité simple, elle doit recueillir plus de la moitié des voix des copropriétaires présents ou représentés à l’assemblée générale. Il est à noter que seuls les votes exprimés sont pris en compte : les abstentions, les votes blancs ou nuls ne sont pas comptabilisés.
Parmi les décisions relevant de la majorité simple, on trouve notamment :
- L’approbation des comptes de l’exercice écoulé
- Le vote du budget prévisionnel
- La désignation ou la révocation du syndic
- Les travaux d’entretien courant
- La souscription d’un contrat d’assurance
Par exemple, si une assemblée générale réunit des copropriétaires représentant 10 000 tantièmes, une décision à la majorité simple devra recueillir au moins 5 001 voix pour être adoptée.
Il est à noter que depuis la loi ELAN de 2018, certaines décisions auparavant soumises à la majorité absolue ont été ramenées à la majorité simple, dans un souci de simplification. C’est le cas notamment de l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux d’accessibilité.
La majorité absolue : des décisions plus engageantes
La majorité absolue, régie par l’article 25 de la loi de 1965, s’applique à des décisions plus importantes ou engageantes pour la copropriété. Elle requiert l’accord de la majorité des voix de tous les copropriétaires, qu’ils soient présents, représentés ou absents lors de l’assemblée générale.
Concrètement, pour qu’une décision soit adoptée à la majorité absolue, elle doit recueillir plus de la moitié des voix de l’ensemble des copropriétaires. Par exemple, dans une copropriété totalisant 10 000 tantièmes, une décision à la majorité absolue nécessitera au moins 5 001 voix pour être approuvée, quel que soit le nombre de copropriétaires présents à l’assemblée.
Les décisions relevant de la majorité absolue comprennent notamment :
- Les travaux d’amélioration
- L’installation de compteurs d’eau froide divisionnaires
- La modification du règlement de copropriété
- La création de nouveaux services collectifs
- L’installation ou la modification d’une antenne collective
Obtenir la majorité absolue peut s’avérer difficile, surtout dans les grandes copropriétés où l’absentéisme est souvent élevé. C’est pourquoi le législateur a prévu un mécanisme de « passerelle » : si une décision n’obtient pas la majorité absolue mais recueille au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, un second vote peut être organisé immédiatement. Lors de ce second vote, la décision pourra être adoptée à la majorité simple des présents et représentés.
Le cas particulier de la majorité de l’article 25-1
L’article 25-1 de la loi de 1965 prévoit une procédure spécifique pour certaines décisions initialement soumises à la majorité absolue. Si ces décisions recueillent plus du tiers des voix de tous les copropriétaires sans atteindre la majorité absolue, elles peuvent faire l’objet d’un second vote à la majorité simple lors de la même assemblée.
Cette procédure s’applique notamment aux décisions concernant :
- L’installation de dispositifs de fermeture de l’immeuble
- La réalisation de travaux d’économies d’énergie
- L’installation de compteurs d’eau chaude
Ce mécanisme vise à faciliter la prise de décision pour des travaux jugés utiles ou nécessaires, tout en préservant les droits des copropriétaires.
La double majorité : pour les décisions exceptionnelles
La double majorité, définie par l’article 26 de la loi de 1965, s’applique aux décisions les plus importantes ou susceptibles de modifier en profondeur l’organisation de la copropriété. Elle requiert l’accord d’une double majorité de copropriétaires :
- La majorité des membres du syndicat (c’est-à-dire plus de la moitié des copropriétaires en nombre)
- Les deux tiers des voix de tous les copropriétaires
Cette règle de majorité renforcée vise à protéger les intérêts de l’ensemble des copropriétaires, en s’assurant qu’une décision importante ne puisse être prise par une minorité détenant beaucoup de tantièmes.
Les décisions soumises à la double majorité comprennent notamment :
- La modification de la répartition des charges
- La suppression du poste de concierge
- La réalisation de travaux de transformation, addition ou amélioration
- La surélévation de l’immeuble
- L’aliénation de parties communes
Par exemple, dans une copropriété de 100 lots totalisant 10 000 tantièmes, une décision à la double majorité devra recueillir l’accord d’au moins 51 copropriétaires représentant au minimum 6 667 tantièmes.
Comme pour la majorité absolue, un mécanisme de passerelle existe en cas de difficulté à atteindre la double majorité. Si la décision recueille l’accord d’au moins un tiers des membres du syndicat représentant au moins un tiers des voix, un second vote peut être organisé à la majorité de l’article 25 (majorité absolue).
Le cas particulier des petites copropriétés
Pour les copropriétés de cinq lots ou moins, la loi prévoit une règle spécifique : l’unanimité est requise pour toutes les décisions relevant normalement de l’article 26. Cette disposition vise à protéger les copropriétaires minoritaires dans les petites structures, où le risque de voir leurs intérêts lésés par une décision importante est plus élevé.
L’unanimité : la protection ultime des droits individuels
L’unanimité constitue la règle de majorité la plus exigeante en copropriété. Elle requiert l’accord de tous les copropriétaires, sans exception. Cette règle s’applique aux décisions qui touchent aux droits fondamentaux des copropriétaires ou qui modifient l’essence même de la copropriété.
Les décisions nécessitant l’unanimité sont relativement rares, mais elles concernent des aspects cruciaux de la vie en copropriété :
- La modification de la destination de l’immeuble
- L’aliénation du droit de surélever l’immeuble
- La suppression de l’équipement d’un ascenseur
- La modification de la répartition des charges en dehors des cas prévus par la loi
L’exigence d’unanimité peut rendre la prise de décision très difficile, surtout dans les grandes copropriétés. C’est pourquoi le législateur a progressivement réduit le champ d’application de cette règle, en transférant certaines décisions vers la double majorité ou la majorité absolue.
Il est à noter que l’unanimité s’applique également dans certains cas particuliers, comme pour les copropriétés en difficulté placées sous administration provisoire. Dans ces situations, l’administrateur provisoire peut proposer un plan de sauvegarde qui doit être approuvé à l’unanimité des copropriétaires.
Les alternatives à l’unanimité
Face aux difficultés que peut poser l’exigence d’unanimité, certaines alternatives ont été mises en place :
- La possibilité de saisir le tribunal judiciaire pour faire autoriser certains travaux d’amélioration
- Le recours à la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique dans certains cas de rénovation urbaine
- La mise en place de scissions de copropriété facilitées par la loi ELAN
Ces mécanismes visent à débloquer des situations où l’unanimité s’avère impossible à obtenir, tout en préservant au maximum les droits des copropriétaires.
Optimiser la prise de décision en assemblée générale
Comprendre les règles de majorité est une chose, mais savoir les appliquer efficacement en est une autre. Voici quelques conseils pour optimiser la prise de décision en assemblée générale de copropriété :
Préparer l’assemblée en amont
Une bonne préparation est la clé d’une assemblée générale réussie. Le syndic et le conseil syndical doivent travailler main dans la main pour :
- Identifier les décisions à prendre et les majorités requises
- Préparer des dossiers clairs et complets pour chaque point à l’ordre du jour
- Organiser des réunions d’information préalables pour les décisions importantes
- Encourager les copropriétaires à participer ou à donner procuration
Favoriser la participation
L’absentéisme est souvent un frein majeur à la prise de décision en copropriété. Pour y remédier :
- Choisir une date et un horaire adaptés au plus grand nombre
- Proposer des modalités de vote à distance (vote par correspondance, visioconférence)
- Mettre en place un système de rappels (e-mails, SMS) avant l’assemblée
Bien gérer le déroulement de l’assemblée
Pendant l’assemblée, il est primordial de :
- Expliquer clairement chaque résolution et la majorité requise
- Laisser un temps de débat suffisant pour chaque point
- Procéder à des votes intermédiaires pour les décisions complexes
- Utiliser les mécanismes de passerelle quand c’est possible
Anticiper les blocages
Pour éviter les situations de blocage, il peut être judicieux de :
- Prévoir des résolutions alternatives en cas de rejet d’une proposition
- Envisager des solutions de compromis pour les décisions sensibles
- Recourir à la médiation en cas de conflit persistant
En maîtrisant les règles de majorité et en adoptant ces bonnes pratiques, les copropriétaires peuvent grandement améliorer l’efficacité de leurs assemblées générales et la gestion globale de leur copropriété. Il est primordial de garder à l’esprit que la copropriété est avant tout une communauté où le dialogue et la recherche de consensus doivent primer, au-delà des seules règles juridiques.